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2009 : les dernières "sœurs d'écoles" de Ribeauvillé en Alsace


Enseignement - Les dernières sœurs prennent leur retraite

Alors que les « Sœurs d'école » ont formé, pendant deux siècles, des générations de fillettes dans l'école publique en Alsace, les deux dernières religieuses encore en poste ont pris leur retraite.

« Enseignantes congréganistes ». Avec leur habit noir, leur voile ou leur cornette blanche, elles étaient 1.300 vers 1850, 1.500 à la fin du XIXe siècle et encore une institutrice sur deux dans les écoles publiques de filles en Alsace dans les années 50. Dans le reste de la France, la loi de 1886 avait signé la fin de l'activité des religieuses dans l'école publique.

Une majorité d'entre elles appartenaient à la Congrégation des Sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé, formées à l'École normale créée par un décret de Napoléon Ier en 1807, trois ans avant l'ouverture de l'École normale d'instituteurs à Strasbourg. Sous l'impulsion des frères Mertian, auteurs d'ouvrages de pédagogie, la congrégation s'était donnée comme mission d'instruire les fillettes pauvres des campagnes.

« Une page se tourne »

Les deux dernières sœurs encore en activité -- Sœur Jacqueline Ingwiller, à l'école primaire de Soufflenheim, et Sœur Anne Felbinger, à l'école maternelle de Ribeauvillé -- ont pris leur retraite en 2009. « J'étais une enseignante comme une autre, reconnue pour ma compétence, mais dans ma manière de faire, j'étais guidée par mon expérience de religieuse », explique Sœur Jacqueline, que rien, à part une petite croix, ne distinguait de ses autres collègues qui la considéraient comme l'une des leurs.

« C'est une page qui se tourne pour notre congrégation après deux siècles d'histoire », relève Sœur Monique Gugenberger, supérieure générale de la Congrégation des Sœurs de Ribeauvillé, qui a enseigné pendant dix ans à l'école publique de Brumath - et a été la première, en 1972, à ne plus porter l'habit - avant de prendre la direction de l'école primaire Jeanne-d'Arc à Mulhouse. Ces religieuses qui ont choisi d'enseigner dans le public plutôt que dans un des 12 établissements de l'enseignement catholique que gère la congrégation, ont voulu, rappelle-t-elle, « être immergées dans la population alsacienne ». Elles ont connu des moments difficiles, lorsque l'Alsace fut annexée en 1871, et plus encore en 1940, lorsque leur École normale fut fermée par les nazis, les sœurs interdites d'enseignement et les plus jeunes envoyées en Allemagne, où elles ont travaillé dans les hôpitaux militaires.

« Ces femmes étaient au service de l'Église de manière totale », souligne, pour sa part, le père Bernard Xibaut, chancelier de l'Archevêché de Strasbourg, l'universitaire Luc Perrin observant qu'elles ont « écrit un chapitre de l'Histoire de l'Alsace et du catholicisme ». Certaines ont dirigé des écoles, mais la diminution du nombre des Sœurs de Ribeauvillé - due à la crise des vocations - a conduit la congrégation à abandonner les postes de direction et enfin l'enseignement dans les écoles publiques. Dans le privé aussi, il ne reste plus qu'une directrice et une enseignante dans l'enseignement spécialisé. En revanche, des sœurs enseignantes perpétuent la tradition en Centre-Afrique où la congrégation est présente.

Un colloque de deux jours

« Regards d'historiens, paroles de témoins », tel est le titre du colloque consacré aux « Sœurs d'école en Alsace ».

La première partie, vendredi 16 octobre, au Palais universitaire à Strasbourg, sera introduite par Mgr Grallet. Elle permettra aux universitaires d'évoquer l'éducation des filles aux XVIIIe et au XIXe siècles, le statut scolaire local, les vicissitudes qu'a connues la Congrégation.

La seconde journée, samedi 17 octobre, se déroulera au couvent de Ribeauvillé. Un inspecteur de l'Éducation nationale, des enseignants qui ont côtoyé des sœurs enseignantes, d'anciens élèves, un élu expliqueront -- en présence de certaines d'entre elles -- ce qu'elles ont apporté à l'éducation des enfants et des jeunes. Dans l'après-midi, une table ronde permettra de s'interroger sur les pédagogies mises en oeuvre.

Parallèlement, une exposition retracera l'évolution au cours des deux siècles. Des éléments qu'on retrouvera dans un ouvrage, Les Sœurs de Ribeauvillé, deux siècles d'école publique en Alsace, réalisé par Charles Zumsteeg, à partir de ses recherches.

Source : Yolande Baldenweck, L'Alsace du mardi 6 octobre 2009


La dernière « sœur d'école » de Ribeauvillé

Sœur Jacqueline a pris sa retraite cet été. Elle était la dernière sœur de la Divine Providence de Ribeauvillé à enseigner à l'école publique. Avec elle se referme une page de l'histoire d'Alsace : les « Ribeauvillé » furent plus de 1.500 dans ses écoles au XIXe siècle.

« On m'appelait sœur Jacqueline, parfois "maîtresse sœur Jacqueline", on savait que j'étais religieuse. c'était clair. Moi, je me situais d'abord en [enseignante] professionnelle. Je sentais pourtant que ma façon d'accueillir l'autre, de travailler en équipe était colorée par mon engagement religieux ».
Sœur Jacqueline Ingwiller était professeur des écoles à Soufflenheim, dans l'école Louis-Cazeaux. Elle a pris sa retraite cet été, en même temps qu'une collègue à Ribeauvillé. Elles étaient les deux dernières. Désormais, il n'y a plus de sœurs de Ribeauvillé dans l'école publique d'Alsace (*).
C'est une date historique. Car les sœurs de Ribeauvillé, fondée en 1783 par l'abbé Louis Kremp, vicaire à Molsheim, et Madeleine Erhard, furent l'une des plus grandes congrégations enseignantes d'Europe. Ces religieuses, dites apostoliques pour les distinguer des contemplatives, furent en effet « maîtresses d'école » dans les établissements publics de filles, puis les écoles mixtes, en Alsace, pendant plus de deux siècles.
Elles n'étaient pas seules : les sœurs de Saint-Jean de Bassel, par exemple, intervenaient aussi au nord-ouest de la région. Mais l'Allemagne de Bismarck, en 1871, a écarté ces congrégations « françaises ». Dans le même temps, le Kulturkampf (la bagarre entre Bismarck et l'Église catholique) a bousculé les sœurs de Ribeauvillé, mais sans les rayer d'un trait de plume comme outre-Vosges les lois laïques de la IIIe République. Seul le nazisme interrompra leur mission pendant la Seconde Guerre mondiale, rappelle l'historien Luc Perrin. En 1950, elles étaient encore majoritaires dans les écoles publiques de filles, dont elles assuraient souvent la direction.
Aujourd'hui, une page se tourne. D'abord, parce que la congrégation, comme à peu près toutes les autres en Europe, ne recrute plus, et vieillit. Au Sud, en revanche, elle se développe : les sœurs-enseignantes de Ribeauvillé sont bien actives en Afrique. Par ailleurs, après le concile Vatican II, les sœurs se sont diversifiées : certaines ont travaillé dans la santé, même à l'usine. Aujourd'hui, la pyramide des âges les a toutes rattrapées...
Sans nostalgie, mais avec reconnaissance, les sœurs de Ribeauvillé veulent marquer cette charnière. Un colloque aura lieu les 16 et 17 octobre : une partie historique au palais universitaire de Strasbourg, une partie tissée de témoignages et de réflexions pédagogiques dans leur maison-mère le lendemain à Ribeauvillé.
Une exposition et un livre - écrit par Charles Zumsteeg, édité par Aprime (Strasbourg) - feront mémoire de cette longue histoire.
« Une histoire que traverse, de génération en génération, la confiance en la Providence », souligne l'actuelle supérieure générale, Monique Gugenberger. Une histoire qui a marqué des dizaines de milliers de petits Alsaciens...

(*) La congrégation exerce la tutelle de douze établissements privés catholiques dans la région (sur une trentaine), et deux sœurs y ont encore une activité professionnelle.

Source : Jacques Fortier, DNA du mardi 6 octobre 2009


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